vendredi 20 février 2015

Le corps muet

Il est curieux parfois de se "découvrir" une déficience dont on ignorait l'existence. De constater que ce qui a toujours été notre "normalité" n'est en fait pas si "normal" que ça, voir carrément pathologique. Et enfin, de se dire très souvent qu'on a toujours fait avec sans se poser de questions, que même si ce n'est pas le top on ne pensait pas que mieux existait...

Moi, mon corps, il est muet.

Les doigts de fée de l'orthophoniste


A plusieurs reprises, dans le milieu médical, on m'a intimé, parfois sèchement de me détendre... je vous passe les détails et le contexte, mais voilà, il se trouvait que j'avais des muscles contractés alors même que je n'en avais absolument aucune conscience. Bien entendu, je ne vous explique pas le malaise et les malentendus quand on vous prend pour une fille pas du tout coopérative alors même que vous n'arrivez pas à cerner ce qui ne va pas et donc encore moins comment agir pour résoudre le problème. Bref, ça m'était passé au dessus comme on dit, "je devais être trop angoissée" comme je me l'entendais alors dire.

Autre situation, cette fois-ci beaucoup plus en confiance. Me voilà avec mon orthophoniste qui me suit depuis 4 ans et qui me connaît parfaitement. Malgré ses interventions hebdomadaires, mes muscles sont toujours contractés, et pour la zone qui l'intéresse, cela me coince régulièrement le larynx avec toutes les conséquences que ça entraîne derrière. Aujourd'hui nous testons quelque chose, un truc tout bête. Je suis assise, et juste avec ses doigts positionnés à différents endroits sur mon cou, elle me fait produire des sons à différentes hauteurs. Jusque là, rien d’extraordinaire. Sauf que, ben sauf que même pour produire un son, il n'y a pas lieu de contracter les muscles du cou. Et chez moi, ça ne manque pas, hop ça se contracte. Alors avec ses indications et ses encouragements, toujours ses doigts sur mon cou, j'essaie : de ne pas forcer, de me "détendre", de... ben de quoi ? Comment diable puis-je agir sur quelque chose dont je n'ai pas conscience ? Mais j'y arrive ! Je sors des sons, bien plus grave mais aussi bien plus hauts que ce dont je me serais cru capable, avec une très grande facilité...

Non mais sérieux, un son ça peut sortir comme ça ? Ah ben je n'avais jamais ressenti ça avant.

Voilà, la réflexion que je me suis faite : je n'avais jamais ressenti ça avant...

Exosquelette, le mythe du super héros


Pour lutter contre les luxations, on m'a proposé l'exosquelette. Du grand appareillage, pas esthétique, ni confortable, ni pratique... Un moindre mal pour rester debout et reculer l'échéance de confier ses déplacements à un fauteuil.

Tout commence par un moulage au plâtre. Je dois avouer, j'ai beaucoup aimé. Pour la première fois depuis... depuis des lustres, j'ai senti mes jambes ! Enfin plutôt elles m'ont dit qu'elles étaient là, j'ai pu détendre mes cuisses, mes mollets, lâcher la pression sur mes genoux : mes jambes existaient, je n'allais pas m'effondrer. Cette sensation de "tenir", combinée à la chaleur du plâtre : vraiment un grand moment. Bon je n'ai pas dansé ni chanté à tue-tête, mais c'est un souvenir qui me restera longtemps.

J'ai testé la momification pour vous !

Deux mois plus tard, je retourne récupérer ma "bête". Je commence par essayer les orthèses de nuit : mes jambes sont dans des moules confortables, enserrées, elles sont là, elles me donnent leur position sans rien que je demande, elles sont dans mon schéma corporel. Je ne cache pas ma joie, l'assistant en est ému pour moi. Oui, c'est une petite révolution.

Après j'essaie l'exo en lui-même. Bon c'est pas terrible, les chaussures sont trop petites, j'ai terriblement mal aux pieds, mais quand même, je tiens debout, je peux "relâcher" mes genoux, mes cuisses, l'information remontent toute seule. La véritable galère aura été de trouver des chaussures, mais je pense être arrivé au bon modèle : les essais la semaine prochaine.


Sortir le corps du mutisme


En fait mon corps communique avec moi, mais il ne connaît qu'une seule chose : la douleur.

A croire que mon cerveau essaie désespérément d'entretenir le dialogue avec les différentes régions du corps, et sans réponse de leurs part, il les stimule : muscles qui palpitent, contractures. Quand les muscles bougent, l'information remonte. Mais les fasciculations, c'est gênant, les mouvements dystoniques, surtout quand ça provoque des secousses violentes ou des tremblements, c'est éprouvant, les contractures, extrêmement douloureux.

Les traitements limitent ces "expressions pathologiques" du corps... les douleurs ont diminué... la sensation du corps dans son ensemble aussi.

Quand les muscles se détendent, le contact est perdu. Lorsque je me détends profondément sur la table de massage de mon orthophoniste par exemple... en quelques minutes, j'ai perdu jambes et bras, incapable de dire dans quelle position se trouve mes membres... La même chose se produit lorsque je dors.


Nous avons essayé les vêtements compressifs, ils apportent déjà un mieux, mais ça n'était pas suffisant. L'exosquelette apporte des sensations vraiment "intenses", mais il n'est pas non plus une solution de long terme...

Bref, le problème de fond est toujours présent.


A chaque jour suffit sa peine, aujourd'hui j'ai trouvé une paire de chaussures pour pouvoir enfin essayer la marche en version Robocop, j'ai trouvé par la même occasion une équipe d'orthésistes de proximité prête à me suivre dans l'aventure... demain apportera ses surprises, je n'en doute pas !



mardi 10 février 2015

Les Autres : jeune ou plus vieux...

En quelques minutes aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de passer de l'envie de distribuer des tartes, à l'envie de distribuer des tartes... Mais pas dans le même état d'esprit.

Première occasion : 18h50. Je sors du magasin en poussant mon chariot plein de courses. Oui, parce que bon, après avoir passée une semaine à gérer le strict minimum, il y avait de l'écho dans ma cuisine, et 3 affamés pour me rappeler que bon, avoir à manger varié et équilibré, c'est bien aussi... Donc, après avoir raclé les fonds de tiroirs, il a fallu que j'y aille. C'est pas que j'avais la flemme, non, mais avec une épaule qui se luxe au moindre mouvement, faire les courses c'était juste au-delà de mes capacités.

Donc je sors du magasin, il est tard. Avant d'arriver là, j'étais au travail, et la veille, j'ai fait 6h de train pour aller chercher mes jambes bioniques à Paris, bref, je suis vannée... Comme n'importe qui l'aurait été. J'arrive au niveau de ma voiture, ouvre le coffre et commence à ranger les courses...c'est juste la troisième fois que je manipule pack de lait, boîtes de conserves et autres joyeusetés du genre. Je tiens debout par l'opération du saint-esprit (et surtout par un appui très marqué contre la voiture), mais je m'affaire. Une voiture se gare à côté de moi... En sortent deux personnes d'un âge certain. Et là j'ai eu droit au regard assassin et au "pfff" de dépit de Madame.

Ah mais oui, PARDOOON ! Je suis garée sur une place handicapé.... Ouhhhh la vilaine fille que je suis. Non mais quel culot franchement hein ! En pleine force de l'âge et voler la place aux petits vieux... quelle honte !

Et toi Madame, tu avais quoi ? Est-ce que je t'ai jugé pour avoir stationné sur la place handicapé à côté de celle où j'ai outrageusement rangé ma voiture ? Est-ce que je t'ai jugé sur ton apparence ou ta facilité à marcher ? Non ! Bon après, si tu n'es pas d'accord, tu t'adresseras à la commission préfectorale qui m'a offert le luxe ô combien indécent de pouvoir me garer sur les places réservées permettant d'ouvrir convenablement ma portière pour m'asseoir à ma place sans me luxer la hanche... et qui me permettent selon la pertinence des places en question de marcher sur de plus courtes distances...

M'enfin, quelle idée moi aussi, y a plus de respect de nos jours ma pauv' Dame...


Une occasion de s'agacer ne venant jamais seule, la seconde arriva quelques kilomètres plus loin. Me voici débarquant à la pharmacie. Certes, ce n'est pas mon officine habituelle. Une jeune préparatrice très gentille m'accueille et me délivre le médicament en question... et là commencent les questions. C'est sûr qu'un antiparkinsonien à mon âge, ça pose question. Je prends donc quelques minutes pour lui expliquer globalement le syndrome et répondre à ses questions : oui je travaille, non ce n'est pas auto-immun, et oui j'ai des tremblements si je n'ai pas mon traitement, et oui le médicament précédent m'allait très bien et changer ne m'enchante pas... et la pauvre se décompose. Non mais hou hou, je suis devant toi, je souris, j'ai plutôt l'air de bien prendre ma vie, ne fais pas cette tête, oh ! Ce n'est pas la fin du monde... J'ai envie de lui mettre des claques, il est où le problème ? La vie est belle, même avec des articulations qui se luxent, même en ayant mal, c'est mieux que d'être à l'agonie dans un service de soins palliatifs ou d'être 6 pieds sous terre... Ce n'est pas parce que j'ai une maladie génétique (ouhhh que ça fait peur) que je dois porter la misère du monde sur mes épaules (de toute façon c'est pas possible elle se luxeraient) et que je dois tirer une gueule de 20 mètres de long (en plus ça ne rentre pas dans la voiture ça).

Bref, je ne comprends pas les gens, ils n'aiment pas les personnes qui se plaignent... arrivez avec votre bonne humeur et ils se décomposent quand même... Mouarf...


Quelque soit les apparences, les gens verront toujours ce qu'ils ont envie de voir...

jeudi 1 janvier 2015

Une année supplémentaire... et ?


Voilà, une nouvelle année vient de s'annoncer.

Alors oui, comme l'an dernier, je reçois tous vos voeux, qui viennent d'un bon sentiment, qui annoncent bonheur, argent, santé...

Comme l'an dernier, je vous souris et vous remercie... vous en souhaite autant...

Mais... mais...

Mais mes souhaits n'ont pas tendance à vouloir se réaliser.

La santé, oui, ça pourrait être pire. Oui je n'ai pas « à me plaindre »... aux pays des horreurs, on trouve toujours pire.

L'argent ? Que viendra-t-il changer ? M'apportera-t-il plus de considération ? Plus d'aide et de bienveillance de mon entourage ? Me rendra-t-il le corps de mes 20 ans ? Mes pleines capacités à courir, escalader, chevaucher et je ne sais quoi d'autre encore ? Non... Il ne m'apportera même pas les médicaments dont j'ai besoin et que les laboratoires ont décidé de stopper...

Le bonheur... ça ne se souhaite pas, personne ne peut nous le donner... c'est un état d'esprit, une décision de regarder la lumière et de fuir l'ombre... une volonté de se relever et d'avancer, quoi qu'il advienne, de toujours croire que la lumière est partout.

Ce qu'il faut me souhaiter pour 2015 ?

De la persévérance... beaucoup de persévérance... et de prendre soin de moi, parce que je ne sais pas faire ça, alors vous pouvez me souhaiter de savoir m'arrêter de temps en temps.

Voilà, juste de la persévérance pour traverser cette nouvelle année, sans trop de casse, sans encombre, je ne demande rien de plus que d'arriver « de l'autre côté ». Je saurai trouver les instants magiques qui parsèment la journée de sourires, les moments de grâce qui redonnent la foi et qui nous prouvent que le chemin vaut la peine d'être parcouru... le reste, ce sera juste du bonus.

Quant à moi, je vous souhaite tout ce que vous voulez, l'argent s'il vous plaît, la santé, car c'est un bien précieux, le bonheur : que vous sachiez le voir partout où il est.


vendredi 7 novembre 2014

Quand l'absurdité prend sens...

Dans ce voyage absurde avec la maladie, il y a parfois des étapes improbables à franchir... des passages que l'on ne veut pas prendre, car ils ne tombent ni sous le sens, ni sous la logique... ou parce que tout simplement ils font peur. Des passages pourtant obligatoires, car ils sont la seule et unique façon d'aller "de l'autre côté", de continuer à avancer.

Cela fait maintenant quelques années déjà que mes jambes ont tendance à être aux abonnées absentes, et je vous assure c'est quand même un chouille pénible. Elles sont là, elles ont à peu près tout pour fonctionner correctement, mais non, l'information ne circule pas... En théorie ça peut marcher... mais voilà, je ne vis pas en théorie... Dommage, ça a l'air d'être un chouette pays d'où Murphy a été banni, mais ça c'est une autre histoire.

Revenons donc à ces jambes, qui sont au passage, les miennes. Cependant, il m'est assez facile d'en parler de façon aussi impersonnelle vu qu'elles échappent passablement à mon schéma corporel. Donc ces jambes, elles ont commencé à réduire mon périmètre de marche... puis ma faculté à piquer un 100 mètres, si, si, des fois ça peut vraiment aider... et je ne vous parle même pas de tout ce qui s'apparente à monter sur une chaise ou un escabeau ou une échelle... Bref, doucement mais sûrement, j'ai connu des périodes où mémé était plus véloce que moi. J'ai, par la force des choses, ou plutôt le manque de force, arrêté le ski, la randonnée, la marche à pied, puis le tir sportif, et même l'équitation est devenue une activité aussi bien trop rare à mon goût... Alors bien entendu, j'ai vu tout un tas de médecins divers et variés, c'est d'ailleurs fabuleux une telle biodiversité dans la médecine..., bien entendu on m'a irradiée de nombreuses fois, électrisée aussi, on a chatouillé le spin de mes atomes à maintes reprises... Sans grands résultats. Zéro explication et mes jambes continuent de m'échapper.

Et qui dit zéro explication, dit zéro solution... la médecine est comme ça aujourd'hui. Que veux-tu ma pauv'Lucette... Heureusement parfois on croise un MPR* qui se soucie plus de rétablir la fonction, même par des moyens détournés, que de chercher à comprendre pourquoi ça marche plus (bon accessoirement mon MPR a tellement "réparé" de patients, où plutôt leurs fonctions, qu'il sait d'où vient la panne)... Un peu la différence entre l'ingénieur qui va examiner la fuite en se demandant comment diantre cela a-t-il bien pu se produire... et le manœuvre qui va colmater la fuite et réparer le tuyau percé. La médecine manque cruellement de pragmatisme de nos jours.

Bon cependant, aujourd'hui j'ai une explication, les récepteurs neuronaux qui sont sensés renvoyer les coordonnées GPS de mes jambes, de faire les retours sur investissement des mouvements musculaire, enfin toutes les infos de régulation quoi... et bien ces récepteurs sont dans le flou artistique, tout ça parce que mes tissus sont trop lâches (non, ce ne sont pas des poltrons)... Collagène de mauvaise qualité, tissus "desserrés"... Et les infos erronées ou inexistantes, mon cerveau a beau être une machine de compét... il a dû mal à me faire marcher ou courir avec ça.


Comment faire alors ?

Et bien comment faire, c'est une excellente question que je me suis posée très longtemps... Une fois qu'on a résolu de ne pas tourner folle par manque d'explication, on essaie d'être pragmatique (oui, j'aime ce mot). Mais c'est que tout ceci est un joli cercle vicieux voyez-vous.

Je ne tiens plus sur mes jambes -> je bouge de moins en moins -> je perds en muscle -> mes muscles ne tiennent plus mes articulations (vu que les ligaments ont rendu leur tablier depuis belle lurette) -> je ne tiens plus sur mes jambes...

Avec accessoirement des dégâts collatéraux comme : je prends des kilos et des kilos... je perds en cardio... je perds toute crédibilité, et toute confiance en moi aussi... je n'ai plus envie de sortir... je bouge de moins en moins... je grogne dans mon coin... je chouine devant mes "splendeurs" passées...

Bref, c'est le bordel mon adjudant !

Pour briser le cercle, il faut agir sur un des maillons :
- me faire tenir sur mes jambes ? Ah oui, mais ça je le fais toute seule... le problème ça n'est pas d'être sur mes jambes, mais que les articulations veuillent bien rester en place pour que ça dure, et si possible que je puisse avancer...
- bouger plus ? Euh je veux bien, mais prenez-moi une carte d'abonnement aux urgences du coin, parce que c'est du mode "wakouwa distendu".
- faire du muscle ? Sans bouger, difficile, l'électrostimulation a ses limites quand même...

Vous allez dire que je n'y mets pas du mien. Vous êtes le maillon faible, au revoir... Peut-être, j'essaie pourtant.


Le passage

Me voilà donc à tourner en rond dans mon cercle vicieux sans solution à l'horizon. Il y en a bien une ou deux, mais... non.

Le prof m'a parlé du FRE*... mais voilà, j'ai du mal, vraiment... Oui ça me permettrait de ressortir en balade, de faire les magasins sans fatigue... Mais je crois que mes proches ne sont pas prêts, pas plus que moi. Et pis d'abord, ça ne rentre pas dans la voiture et je n'ai pas de sou pour la changer, comme ça c'est réglé ! (méthode Coué quand tu nous tiens). Et concrètement, ça remplace les jambes, ça ne me les redonne pas. Oui, je suis exigeante, je sais...

Alors j'ai commencé à regarder autre chose... pas que je sois une grande fan de Robocop  - je préfère Iron Man, quoi que Robocop version 2014... oui bon on s'en fout - , mais j'ai vu une autre solution, seulement... y ai-je "droit" moi ? Est-ce que c'est ça qu'il me faut ?

Autre rencontre avec le prof, je lâche à demi-mot que oui, tout va très bien, mais que si ma hanche me faisait moins faux-bond, je n'aurais pas besoin de ma canne qui me flingue l'épaule et que ça serait quand même super mieux. Oui, la fourbe de hanche se luxe depuis que j'ai 7 ans... ça a toujours fait rire ou dégoûté (rayez la mention inutile) les copains... sauf que maintenant c'est à peu près à chaque foulée. Oh, je vous rassure, une luxation chez moi qui a des ligaments super distendus (c'est comme distendus, mais avec une cape en plus), ça fait quand même nettement moins mal que chez vous... C'est un peu comme d'autres choses, les premières fois ça fait mal puis après on n'y sent plus rien, mais là, je m'égare.

Donc le prof, qui a toujours une réponse à presque tout, m'a annoncé qu'il y avait une solution... Presque miraculeuse, vu qu'il m'a "promis" que je remonterai à cheval (bon concrètement je monte toujours à cheval, certes une fois par trimestre, mais quand même...). Mais voilà, cette solution-là, quand le reste n'a pas suffi... cette solution elle te fait passer de l'autre côté. Elle te stigmatise définitivement, plus possible de faire semblant, plus possible de nier, mais elle offre une promesse inespérée.

On parle de grand appareillage, rien que le terme, il fait froid dans le dos... Ça ne rigole plus. Plus possible de passer pour madame tout le monde qui s'est (encore) foulé le poignet ou pour une fétichiste qui s'habille en Catwoman... Bon, voilà quoi, on parle d'exosquelette.

J'ai papoté timidement avec les copains zèbres robocopisés, comme tout le reste ça apporte son lot de désagréments, et puis il y a les autres, toujours eux. Ce n'est plus de moi que j'ai peur, mais de ma place dans la société qui glisse doucement de valide à invalide... de Vaishya à Intouchable... de la répercutions que cela aura irrémédiablement sur les miens et surtout mes enfants.


Que la lumière soit !

Alors oui, j'ai ruminé longtemps comme une Gao Mata, moi, les autres, ce que je veux laisser à mes enfants... Quelle place sera la leur si je ne fais pas la mienne ? Quelle sera ma vie, si je renonce à mes jambes pour le leurre de la "normalité" ? Un leurre qui ne trompe plus grand monde, un leurre qui m'enferme dans ce que je ne suis pas, dans ce que je ne suis plus...

Je vais devoir accepter ce passage. Je vais devoir accepter cette aide, car c'est avec elle que je resterai debout, et parce que mes jambes valent au final un chouille plus que le regard des autres... ce sont de mes jambes que l'on parle, pas des leurs.

Je vais accepter de passer, d'aller de l'autre côté, puisque c'est ainsi que je vais avancer.

Faire du sens, toujours. Je n'ai plus rien à perdre et tout à retrouver : ma selle et ma jument, ma carabine, mon arc, mes skis même ! Et ma place... oh que oui, je vais la garder :
"Peux ce que tu veux !" ou plutôt "Rends possible ce que tu veux !"

D'ailleurs drôle de chose à constater... Vouloir et Pouvoir n'ont pas d'impératif...  À croire que l'on ne peut imposer à quiconque d'avoir la volonté ou le pouvoir !





*MPR : ici par ellipse, médecin de Médecine Physique et de Réadaptation
*FRE : Fauteuil Roulant Electrique... En effet, compte-tenu de notre propension à nous luxer poignets et épaules, avec un SED on passe souvent au FRE sans passer par la case fauteuil manuel. A noter que la canne a également la mauvaise manie de luxer les épaules...

mardi 28 octobre 2014

Confiance...

Un mot difficile, difficile à accorder au présent, et encore plus au futur.

Accorder sa confiance au futur quand aujourd'hui est imparfait, quand le passé était moins-que-parfait...

Mais voilà, je suis devenue d'un optimisme agaçant. Le passé n'est plus, le présent n'est qu'éphémère et le futur omnipotent, alors c'est à lui que j'accorde ma confiance.

Avancer confiante sur le chemin de la vie, ne pas hésiter à m'aventurer en dehors des sentiers battus.
[...] tu auras deux routes devant toi, choisis la moins évidente… l’évidence est le chemin des sots.

J'ai osé, non sans peur, non sans crainte... J'ai osé emprunter cette direction, et je vais de découvertes en apprentissages. Je suis riche, riche de cette confiance, et des portes improbables qu'elle m'ouvre ! J'en suis chaque fois aussi agréablement étonnée, et le voyage ne fait que commencer.




dimanche 12 octobre 2014

J'ai essayé...

J'ai essayé, j'ai tenté ces dernières semaines de ne pas compter... ne pas compter mes cuillères, vivre, comme vous, faire ce que j'ai à faire, ne pas écouter les contractures, les migraines, les défaillances...

Je vous assure que j'ai essayé. J'ai même fait mes vitres, j'ai pris le train, le tram, le métro, je suis allée en ville, je me suis levée tous les matins pour préparer mes enfants et les emmener à l'école, j'ai travaillé, je ne suis occupé du linge, fait la vaisselle, fait à manger... Les choses normales qu'une mère fait chaque jour...

J'ai essayé, et j'ai réussi... J'ai réussi, à quel prix ?


J'ai épuisé mon stock de cuillères, j'ai vécu à crédit, j'ai tapé sans compter dans les cuillères des jours et des semaines à venir, j'ai vécu en illimité... et puis l'huis-sed est venu cogner à ma porte, ma dette, j'ai dû la payer...

J'ai d'abord refusé. Alors il m'a condamné. En premier lieu des contractures, des luxations, des migraines... passent encore. Et puis il frappé plus fort, paragraphie, paraphasie, tremblements... Et enfin pour que je cède, le sed m'a réveillé la nuit. Quand la douleur te pique juste assez pour t'éveiller, mais que la fatigue est trop lourde pour te lever... tu deviens une dentellière du sommeil, incapable de te soulager, incapable de t'endormir profondément, et le lendemain devient le cauchemar de ta nuit en points-tillés.


Morphine, quand tu es ma dernière chance de salut, ma seule possibilité de dormir et de ne plus souffrir... Pour quelques heures, être juste sans douleur. Les yeux fermés, sonder chaque recoin de mon corps et ne trouver aucune trace de souffrance. Pouvoir alors laisser vaguer l'esprit et m'assoupir sans soupir. Dormir, sans retenu, me régénérer en partie. Que c'est bon de ne plus avoir mal, de se sentir "normale".

Morphine, cependant tu n'es pas ma copine. Tes effets secondaires me rebutent, mieux qu'une cuite, une journée durant je vais te cuver, et faut-il que je sois à bout pour me décider à t'avaler...

Morphine, tu n'es qu'un leurre. Celui de la normalité, celui de l'immunité. Dans ma réalité, point d'analgésie, point de répit. La souffrance est une plaie béante par laquelle s'écoule chaque jour un peu plus d'énergie, j'ai beau la panser par la pensée, j'ai beau la cacher derrière un sourire, un peu de gaité, un jour, elle me laissera exsangue.


Combien de temps pourrais-je continuer à faire semblant ?




mercredi 17 septembre 2014

Si vis pacem, para bellum

Politique intérieure

« Qui veut la paix prépare la guerre. »

J'avoue, je n'ai jamais compris la logique de cette locution. Je trouvais la paix et la guerre trop antonymiques pour ça.

Et puis j'ai dû partager mon corps avec la maladie, j'ai dû apprendre chaque jour à me battre, d'abord contre moi-même et maintenant... maintenant, contre les « autres ». On ne cesse de vous répéter dans les magazines, sur le net, les amis et les donneurs de conseils, qu'il faut s'accepter comme on est. Et bien j'ai une immense révélation à vous faire ! Quand vous êtes arrivé à l'acceptation de soi, vous vous rendez alors compte que là n'était pas le problème...

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ? Pourquoi vous trouvez-vous trop gros, trop mince, trop vieux, trop jeune, trop pâle, trop bronzé, trop lent, trop rapide ? Et puis d'abord, trop par rapport à quoi, à qui ? Qui définit les règles du jeu, où est la « norme » ? Est-ce vraiment votre propre regard qui vous blesse ou ceux qui se posent sur vous ? Et si le problème c'était les autres ? Ou du moins le pouvoir qu'on leur accorde ?

La vérité elle est là, nous accordons une importance démesurée à l'Autre, à son regard, à ses paroles.

Reprendre soi-même le pouvoir de notre propre perception, ça s'apprend, ça prend du temps, et sur ce chemin de la liberté, on se rattrape souvent les pieds dans la servitude du « Que penses-tu de moi ? » Mais c'est possible.


Relations internationales : Mes Déboires Péri-Handicap

Et puis des fois, on devient dépendant de ce regard extérieur, car ce même regard va avoir le pouvoir de vous faciliter la vie ou de vous la pourrir. Il y a des pouvoirs que l'on ne peut s'octroyer... Nous ne vivons pas isolés au milieu de l'espace, il y a les Autres et quoi qu'on en pense, il est souvent nécessaire de coopérer.

Oui, j'ai une maladie bizarre. Les périodes de crise sont d'intensité, de fréquence et de durée imprévisibles... Et pourtant, demain, dans une heure, tout peut basculer. Pourquoi me refuserait-on de m'aider à préparer le pire dans les périodes où temporairement ça va mieux ? Pourquoi ne peut-on pas comprendre que je n'ai pas le luxe d'attendre que l'Administration s'ébranle de sa léthargie maladive pour avoir de l'aide quand une crise se déclare ? Pourquoi cet Autre croit-il encore aux miracles ou au Père Noël (rayez les mentions inutiles) ? Non messieurs dames, ma maladie ne se guérit pas. Pourquoi le principe de précaution ne s'applique-t-il pas ? Gardez vos : « Vous allez très bien, ça ne peut pas se détériorer comme vous le dites. [...] On verra le temps voulu. [...] Voyez la vie du bon côté. [...] », la politique de l'autruche n'a jamais construit la sûreté d'un empire. Où étiez-vous lors de cette dernière guerre, quand esseulée, je craignais pour ma vie et pour mes proches ?

J'aimerais tant préparer la prochaine guerre pour que ma paix soit la plus solide qui soit, avoir mon arsenal de prêt, l'intendance au taquet, et surtout la sérénité d'une guerre gagnée d'avance... Simplement avoir l'esprit tranquille quoi.

Mais ça... C'est trop demander.

Au final, la réalité du terrain, c'est un peu comme dans la politique internationale, on attend que tu aies perdu la guerre, que tu sois dévasté et alors on vient te reconstruire, te dire que les méchants ils ne sont pas gentils, mais qu'heureusement la Commission des Droits et de l’Autonomie salvatrice va venir t'aider et t'installer toute l'infrastructure pour que tu redeviennes « comme avant », mais en te rendant encore plus dépendant...

Le maintien de l'autonomie avant qu'on ne l'ait perdu, le principe de précaution quoi... c'est pas pour vous ma p'tite dame... Ici, on gère les handicapés comme les États-Unis gèrent l'Afghanistan...